A PROPOS
Né à Montreuil (France) en 1987, King Houndekpinkou est un céramiste franco-béninois basé en région parisienne. Issu d’une jeune génération d’artistes de la diaspora africaine évoluant à l’international, il est membre de l’Académie Internationale de la Céramique (AIC) et travaille en France, au Japon et au Bénin.
King a grandi en banlieue parisienne où son enfance a grandement été influencée par la culture populaire japonaise importée en France dans les années 90 (ex : Anime, jeux vidéo, Manga). C’est ainsi que durant ses jeunes années, il cultive une fascination pour le Japon. Cette passion pour le Pays du Soleil Levant le suivra tout au long de son adolescence jusqu’à aujourd’hui, où il continue de s’y rendre chaque année.
En 2012, alors qu’il poursuit activement une carrière en communication d’entreprise et sans aucune interaction préalable avec le monde de la céramique, King réalise son rêve de jeunesse : se rendre au Japon. C’est lors de ce premier voyage qu’il découvre, par hasard, l’existence des six villes historiques de la poterie ancestrale japonaise que l’on nomme les Roku Koyō (Bizen, Echizen, Seto, Shigaraki, Tamba et Tokoname).
Un de ces berceaux de la poterie nippone retiendra son attention : Bizen, où il se rendra chaque année pour compléter sa formation en poterie, qu’il débute cette même année à Paris. Ces visites lui permettent d’acquérir une expérience de terrain auprès des potiers du groupe Keramos et plus particulièrement aux côtés du céramiste Toshiaki Shibuta, qui deviendra pour lui plus qu’un mentor: un « père de terre », selon ses propres mots.
A Bizen, King est saisi par l’approche cérémonielle qu’adoptent ses amis potiers pour réaliser leurs créations dont les fondements reposent sur le travail de la terre et du feu. Ce processus créatif donne naissance à des œuvres à l’esthétique brute, couvertes d’un émail naturel de cendre de bois. Leur pratique semble infusée de la spiritualité Shintoïste et fait écho aux traditions animistes du culte Vaudou des origines béninoises de King. Selon lui, les deux croyances recherchent une relation transcendantale entre l’Homme et la nature afin de guider notre existence. Cette révélation le convainc de quitter son premier parcours de vie pour s’adonner pleinement à la céramique, qui deviendra d’abord une quête personnelle, puis artistique.
De cette expérience est né en 2016 Terres Jumelles, un programme culturel visant à unir le Bénin et le Japon par la pratique de la céramique traditionnelle et contemporaine. L’argile s’y impose comme matière universelle du dialogue culturel invitant les céramistes béninois(es) et japonais(es) à partager leurs expériences afin de mettre en lumière les valeurs fédératrices et humaines de la céramique. A la manière des potiers britanniques Bernard Leach [1887-1979] et Michael Cardew [1901-1983] ayant respectivement créé des ponts culturels entre l’Orient et l’Occident, puis l’Europe et l’Afrique de l’Ouest, King fait partie de ceux qui appréhendent la céramique comme matière du lien culturel. Par ses créations, King synthétise les divers héritages culturels qu’il porte et la vision contemporaine qu’il confère à ses œuvres. Elles sont un « mélange de dévotion et de spiritualité » 1, qu’il réalise à partir des mélanges d’argiles et de matériaux provenant de divers horizons (ex : Bénin, Japon, Espagne, USA).
Aujourd’hui, King a développé une pratique qui mêle tradition, spiritualité et travail viscéral de la matière. En interrogeant la porosité des frontières qui séparent l’artisanat de l’art aujourd’hui, l’artiste crée des œuvres à la croisée entre son histoire personnelle et le récit universel du travail de l’argile.
Bien qu’il exprime un profond respect pour la tradition de la céramique, qu’elle soit artistique ou artisanale, King crée des œuvres qui n’en sont pas moins contemporaines et prises de modernité dans leur exécution (i.e. technique d’émaillage, cuisson électrique à haute température, formes). Il s’inscrit dans une lignée d’artistes qui, selon Garth Clark, critique et historien d’art spécialiste de la céramique contemporaine, « sont résolument irrévérencieux dans leurs procédés, méprisant les règles, et libérés dans leur utilisation de la forme du contenant, se transformant en sculpture, peignant avec un abandon similaire et une palette électrique » 2.
En 2017, quelques uns de ces artistes iconoclastes, y compris King (incl. Glenn Barkley, Takuro Kuwata, Anne-Marie Laureys, Gareth Mason, Ron Nagel, Gustavo Perez, Ken Price, Peter Voulkos et Betty Woodman), ont été sollicités par Garth Clark pour participer à l’exposition-hommage Regarding George Ohr: Contemporary Ceramics in the Spirit of the Mad Potter, qui retrace l’œuvre du potier américain George Edgar Ohr [1857-1918]. Celui que l’on surnomme « The Mad Potter of Biloxi » (le potier fou de Biloxi) ou encore le « Picasso de la poterie d’art » est le père de l’expressionnisme abstrait en poterie, mouvement dont les adeptes considèrent le contenant (ex: bol, vase, gobelet) comme un support d’expression artistique à part entière. Les travaux de King ont également été exposés aux côtés des oeuvres de Jeff Koons, Sterling Ruby, Pedro Reyes ou encore Jean-Michel Frank.
« L’anatomie » de certaines œuvres est constituée de contenants façonnés séparément sur le tour de potier (ex: vases, gobelets, bols, plats), puis assemblés entre eux pour constituer une pièce sculpturale aux textures vivantes. Bien que construites sur une base de formes simples, d’autres de ses créations semblent « torturées » et « défigurées » par une surcharge de matières denses, un amas de coulures superposées mates, brillantes, et métalliques. Elles représentent visuellement l’accumulation des récits et des événements qui les ont précédés et dont elles découlent. En s’arrêtant sur certains détails, on remarque une « peau » enveloppante épaisse, des épines semblables à celles que l’on retrouve sur les pots rituels d’Afrique de l’Ouest. Ils rappellent certains attributs des plantes et animaux dont les picots ou épines leur permettent une protection quasi divine, sacralisant ainsi leur statut.
1 : King : Entre le Bénin et le Japon, La Revue de la Céramique et du Verre, Septembre 2017
2 : Garth Clark on ‘Regarding George Ohr’ at Boca Raton Museum of Art, Cfile, Avril 2018
Photo credits: © 2023 KPELR Studios for Glenfiddich